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La banquette en pierre

C'est une banquette en pierre ménagée dans le porche
D'une église flamande. Son siège n'est plus droit:
Il baille, fatigué et creusé dans sa roche
Par la bure des pellerins qui passaient par là

Depuis cinq cent ans qu'elle accueille culs et saccoches
Sa robe grise et rêche a pris le noir éclat
D'un beau marbre lustré. Et elle brille sous la torche
Ou quand par beau temps elle chauffe comme du bois

Pourtant qui la voit, là , dans l'ombre anonyme
Des années qui s'égrainent aux fins doigts des prières?
Plus humble que la Vierge, qui donc la vénère?

Qui voit dans son flanc creux la preuve du mystère
Qui draine ici les foules? Sagesse sybiline
Déguisée en mendiante, accepte ici ton hymne


Cathy De Plée - Juillet 2018

A ces jours ratés

A ces jours ratés
Qui se terminent aussi mal
Qu'ils ont commencé

A ces jours ratés
Où l'on mime des histoires
Juste bonnes à pleurer   

A ces jours où le goût
De soi même et de tout
Sent le rance et le renfermé

A tous ces jours si longs
Où l'on fait, et défait, sans rien faire
Ses hésitations

A ces jours sans boussole
Où l'on erre dans sa vie 
Aussi triste qu'un saule

A ces jours de mouron
Où l'on ronge son ventre
Les doigts maigres et trempés de poison

A ces jours nés pour rien
Qu'on éteint, qu'on oublie
D'un méprisant revers de main

A ces jours qu'on croit vains 
Mais qui n'en sont pas moins
Des pages de notre vie

Je dédie une pensée
Une larme, une bougie
Et un matin fleuri


Août 2018

Le papillon

Il a trouvé un papillon
Posé sur le bord chemin
Il voletait quand nous marchions
En rêvassant main dans la main

Il était de ceux ordinaires
Que l'on rencontre dans nos pays
De ces trois teintes familières
Que sont l'orange, le brun, le gris

Pourtant ce fut une licorne
Un éléphant tombé du ciel
C'était pour lui bien plus qu'un morne
Insecte qui battait des ailes

Ce fut son frère, son âme, son double
Un petit miracle de chance
Qui croisait soudain sa route
En dansant avec élégance

Il lui disait comme les heures passent
Et comme la vie ruisselle vite
Dans nos artères qui se crevassent
Et que la vieillesse se mérite

Il lui disait aussi "Dérange
Ce que tu prends pour vérités
Car si les fausses richesses s'engrangent
Ton âme elle est liberté"

Retrouvant bientôt ses esprits
Mon amoureux prit de sa poche
Ce téléphone qui le suit
Comme l'ombre à la lumière s'accroche

Et d'une photo il captura
Cet être fier et volatile
Qui semblait lui parler tout bas
Et lui rappeler qu'il est fragile

Je crus que ce serait la fin
Du charme que ce ravissant
Messager venait en chemin
De nous jeter en frémissant

Mais le ravissement dura
Enveloppés du châle soyeux
De ce moment si délicat
Nous nous sentîmes plains et heureux

De ce présent que seules les ailes
D'un papillon peut faire jaillir
De ce présent si rare, si frêle
Qu'il nous exhorte à cueillir


Août 2018