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La ville a chaud

Tous ses habitants assemblés
Forment les maillons de son coeur

Comme jamais, ils sont restés
Cousus à leur quartier et dans son sein à elle
 
Les voilà comme des fleurs naissant des pavés
Guidés par le soleil d'un printemps trop ardent

Pour l'heure. Alors, pour ne pas les perdre
Elle leur donne tout, sa chair, son âme, son sang

Emue par leur présence
Elle offre à ses enfants des vacances de pauvres

De ses maisons, de ses cours, de ses talus, de ses parterres
Elle ne garde rien, elle n'épargne rien

Elle veille à ce qu'en ses entrailles
Ses enfants qui ne sont que voisins forment une même famille

La sienne. Même s'ils se connaissent peu
Ils l'ont en commun elle, leur mère, leur patrie, et peut-être leur amie

Elle s'émeut d'ailleurs de les voir attentifs
A ses rues oubliées qu'ils redécouvrent seuls

Empêchés de partir  pour arrêter l'épidémie
Ils réapprennent à vivre lentement, patiemment

Un peu comme leurs aïeuls ceux qui vivaient cloitrés
Et n'avaient qu'une demeure

Mais les temps ont changé.
De sous son marais, de sus ses clochers

Elle les regarde tourner, penser, mourir.
Beaucoup meurrent.

D'autrent courrent. En ses murs, tant de vies
Confinées dans la peur et l'ennui cherchent une porte

Que veulent-ils donc fuir?
Sous son couvre-lit de silence doucement elle respire

Comme elle le fit toujours 
Infusant leurs désirs et filtrant leurs malheurs

Elle respire pour qu'en elle s'accomplisse
L'ancestrale alchimie

Qui renouvellera ses forces
Et ravivra ses couleurs


Cathy De Plée - Bruxelles, Avril 2020

A mille mètres de chez moi

Si je devais rester à mille mètres de chez moi
Confinée pour toujours, plutôt que parcourir
mon regard plongerait et excaverait l'endroit
de l'envers qu'il n'avait jamais su découvrir 

Fléchissant son désir, il fouillerait les sols
qu'il ne fit autrefois non voyant que fouler
Centuplant le détail traînant dans une rigole
Il redonnerait la vue aux marches fatiguées

Le temps aurait le rythme d'une place du midi
où s'écouleraient tranquilles les actes attendus
A la fontaine goutterait le chrono allangui
des vas et viens dociles des voisins bien connus

Je repasserais sans doute même mes taies d'oreiller
soignant le moindre plis au fer doux d'une caresse
Que mes gestes retrouveraient l'art de s'étirer
dans l'espace amplifié d'une sereine ivresse

Bien sûr la nostalgie des horizons nouveaux
m'étranglerait souvent, je ne suis pas si sage
Mais je suppose qu'avec le temps c'est vers le haut
Que mes yeux dans les étoiles creuseraient leurs sillages


Cathy De Plée - Mars 2020